19 novembre 2017

Et c'est là que je me suis rendu compte que je n'étais plus capable d'accueillir la parole du patient. Je suis partie.

Nous sommes en novembre  2017. J'ai eu une dialyse éprouvante. Je suis très fatiguée suite à un oeudème du poumon. Les dialyses se passent et ne se ressemblent pas.



J'ai été très affectée par une transmission "comportement" suite à un refus de bilan sanguin déjà effectué la veille. 



On ne s'en rend pas forcément compte, mais le soignant qui lit cette transmission peut adopter une posture qui prend en compte cette transmission parfois mal ciblée.

L'infirmière à qui j'en parle est adorable et comprend bien que ça puisse m'affecter qu'on me mette dans une case, psy, qui plus est.
Elle me dit qu'elle doit parfois faire des transmissions ciblées comportement, mais elle échange toujours avec le patient à ce propos. 

Elle est très à l'écoute. Nous avons beaucoup discuté pendant cette dialyse ou je me sens mal.

Mal, parce que je subis beaucoup depuis mon enfance. Tout s'ajoute, rien ne s'efface. 

Arrive enfin le moment du débranchement. 

Nous discutons de son parcours. La réanimation, les urgences, et la dialyse. 

Elle me parle des urgences. 
De la difficulté de subir beaucoup d'agressivité pour tout. 
La douleur, l'impatience, l'anxiété. 
En plus de tout le reste. Réagir vite et bien.
Elle m'explique à quel point il est difficile d'avoir de l'empathie dans ces conditions.

Du fait que parfois les patients viennent pour rien. 
Ce que l'on croit être rien. 

Elle me raconte, qu'un jour, une patiente enceinte arrive pour des petits saignements. 

L'infirmière a eu une rude journée.

Elle arrive dans le box de la patiente. Elle la questionne. 
Elle la gronde franchement. 
On ne dérange pas un service d'urgence pour un petit saignement. 

A ce moment là de cette histoire, je la coupe et je la regarde. 
Je lui demande combien elle a eu de fausses couches auparavant. 
Elle me sourit. Elle sait que je connais la fin de l'histoire.

Elle continue son témoignage. 

L'interne arrive. L'infirmière reste dans le box.
Il pose des questions à la jeune femme. 

Lors de la phase de questions, la jeune femme lui dit qu'elle a fait plusieurs fausses couches et qu'elle a accouché d'un bébé mort né. 

L'infirmière me regarde et me dit : 

Et c'est là que je me suis rendu compte que je n'étais plus capable d'accueillir la parole du patient. 
Je suis partie.


Je devais partir, mais j'aurais aimé prendre cette infirmière dans mes bras. 

Article paru sur le site infirmiers.com le 28 novembre 2017.



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1 commentaire:

  1. MErci à vous.
    Comme cette infirmière aujourd'hui je ne pense pas que je pourrais retravailler au contact des patients dans un cabinet médical.
    J'ai été pleine d'empathie pendant presque 20 ans car c'est ds ma nature.
    Sans jamais juger quiconque pour quoi que ce soit dans mon travail au contraire .. c'était sans vantardise aucune toujours vers moi que les patients venaient car les autres collègues jugeaient rien que par leur regard. Pour cela d'ailleurs mes coéquipières me jalousaient et me le disaient ouvertement car ça les énervaient passablement.
    Moi je restai neutre et toujours aimable car c'est ma nature.
    J’ai souvent rassuré ; déculpabilisé les patientes pour des tas de raisons qui se confiaient à moi en pleurs.
    Elles repartaient rassérénées le cœur un peu moins lourd.
    Dans la vie on ne fait pas toujours ce que l'on aimerait faire parfois donc ce n'était sûrement pas à moi de juger leurs décisions ; leurs actes.
    J'ai aimé mon travail d'une façon incroyable au contact de ces patients.
    Je ne me pensais à mes débuts pourtant pas capable de pouvoir apaiser ces âmes tourmentées.
    Je n'en retirais aucune gloire particulière contrairement à mes collègues qui ne pensaient qu'à pavaner et avoir leurs heures d’impor suprême lol.
    Ce fut une belle expérience d'humanité pour moi. Le retour gratuit d'un sourire ; d'une phrase ou d'un compliment; d'une attitude bienveillante ; d'un regard reconnaissant.
    C’est plus qu'il n'en faut quand on aime ce que l'on fait et ça nous dit à quel point on a bien fait d'être choisi par et pour ce sacerdoce.
    Tout cela pour dire que aujourd'hui je ne me sentirai plus la force d'être aussi "patiente" avec tant de monde car il faut bien reconnaître que .. ça use. On donne beaucoup de soi ; beaucoup de son être et on a tendance à s'oublier. Sans doute beaucoup trop même.
    Et quand on s'arrête de travailler on ressent un tel grand vide .. ne plus se sentir utile c'est difficile.
    MAis .. ce n'était pas que je ne brillais plus .. c'était juste mon besoin de donner et aider aux gens qui me manquait.
    Peut être quelque part vouloir donner ce que je n'avais jamais pu recevoir à une certaine partie de ma vie et qui a conduit à ces questionnements sur soi : Compréhension ; compassion. Empathie quoi.
    Le don de soi c'est naturel. Ça ne s'apprend pas. On l'a ou on l'a pas je pense.
    Heureuse d'avoir pu aider tant de gens à avancer dans leurs vies pendant mon court passage sur terre.
    Maintenant je dois m'occuper de moi.
    MErci pour ce bel article Patiente Impatiente.

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