4 avril 2016

Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.

Cet article a été écrit initialement pour le magazine L'infirmière magazine
Il est paru dans le n° 370 du mois d'Avril 2016.
Merci de me contacter pour toute reproduction de l'article.


Février 2007, deuxième année de greffe rénale. 

Ma greffe se passe moyennement bien.  Je souffre de déshydratations chroniques à cause des médicaments anti-rejets.

Je dois passer une coloscopie.


Je suis hospitalisée la veille au soir.

Je dois terminer la préparation pour vider le côlon  et boire un litre de plus. 

Je passe une mauvaise nuit car je suis angoissée. 

Je déteste les anesthésies générales. 

Elles me font très peur. 

Je suis réveillée tôt et je dois boire encore un peu de préparation avant la coloscopie. 

Il est 10 heures, le brancardier vient me chercher.

J’arrive à la salle d’attente du bloc.  Il y a beaucoup de brancards déjà. Ca m’inquiète un peu.

Je suis en attente depuis 30 minutes, je commence à avoir froid.  J’ai juste un drap et la blouse d’hôpital.

J’espère qu’un infirmier ou un aide-soignant va passer.

Cela fait une heure que je suis sur le brancard. J’ai froid. J’ai mal au ventre, je dois aller aux toilettes. 

Je ne suis qu’en blouse et j’ai été prémédiquée, j’ai peur de tomber en me rendant aux toilettes. 

30 minutes plus tard, quelqu'un, enfin ! Un infirmier ?

Je lui demande une couverture et à aller  aux toilettes.

Il me répond que c’est bientôt mon tour et qu’il n’y en a plus pour très longtemps. 

Je sens bien qu’il n’a pas que ça à faire, mais j’insiste, je suis vraiment malade, je dois vraiment y aller.  

En râlant, et en ajoutant qu’il n’y en avait vraiment plus pour longtemps, il me lève du brancard et m’accompagne aux toilettes qui sont à côté, heureusement,  car je suis un peu groggy.

L’infirmier me dit qu’il m’attend, que je n’ai qu’à taper lorsque j’ai terminé.

Je finis enfin par taper à la porte des toilettes. 

Rien ne se passe, je tape un peu plus fort. J’ouvre la porte. 

Il n’y a personne. 

Un peu dépitée, je tente désespérément de fermer  la blouse pour me rendre à la salle d’attente et rejoindre mon brancard.  

J’y retourne doucement, j’ai peur de tomber. 
J’y arrive enfin. Je me recouche. 

Je sens les larmes monter.

On m’a oubliée ? 

20 minutes après, l’infirmier qui m’avait laissé tomber revient. 
Il me demande comment j’ai fait pour revenir sur le brancard. 

Je lui explique que je suis revenue toute seule. 
Il me dit que j’aurais pu tomber, me faire très mal et que j’aurais dû l’attendre. 

Il me dis : Allez, on y va ! Je me mets à pleurer. 

Ca y est, je suis au bloc. 

Un anesthésiste approche un masque de mon visage et me dis :

Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer… 

A ces mots, je me mets à hyper-ventiler.  J’ai encore plus peur. Que va t'-il m'arriver?

L’anesthésiste injecte un produit dans ma perfusion. Ca pique. Je m’endors. 



La confiance est la clef d'une relation patient-soignant réussie. 

Malheureusement, il est très facile de briser cette confiance, parce que le patient est dans une situation d'émotivité extrême, liée à sa faible implication dans son soin -- une difficulté à laquelle l'Education Thérapeutique veut remédier -- et de son stress naturel à l'approche d'une opération, d'un soin ou d'un examen, qu'il appréhende mal.

Le patient, c'est d'abord celui qui subit.  
Cette fragilité fait que le moindre désagrément, même s'il est jugé mineur par les soignants, peut prendre des proportions importantes et affecter durablement la relation de confiance du patient chronique qui doit s'établir avec l'équipe de soin.

Ici, alors que l'ensemble des préparatifs s'étaient bien passé et qu'il n'y avait rien d'objectivement inquiétant dans cet épisode, c'est le manque de disponibilité ressenti, associé à la crainte d'une incompréhension -- le soignant devait s'attendre à ce que je soit indisposée par le la préparation -- qui a affecté  mon  ressenti lors de cette colposcopie. 

A titre, personnel, j'ai mûri en dix ans, et grâce à une meilleure connaissance de moi-même et des traitements, je suis maintenant capable de m'exprimer et de communiquer davantage avec l'équipe de soin. 

C'est un élément important de la reconstruction de la confiance. 
Mais je pense que tout nouvel entrant dans les soins doit se trouver aussi démuni que moi à l'époque. 
La scène que j'ai décrite pourrait très bien se reproduire actuellement.

Toutefois, des efforts sont faits pour mieux prendre en compte le patient dans le dispositif de soin et je suis confiante en l’avenir. 


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