9 juin 2016

Itinéraire d'une fin de greffe: Le médecin avait raison. Mais.... 6/6

Cet article est la suite et fin d'un itinéraire d'une fin de greffe.

Je ne me fais vraiment pas au retour en dialyse.

Je suis très triste et abattue. 

Le retour en dialyse dans ces conditions m'est très pénible. 

Ca fait trop de choses en gérer en si peu de temps avec le déménagement de région tout récent. 


Nous sommes mi-janvier 2009. 

D'un côté je ne veux pas retourner en dialyse, et de l'autre je ne peux pas rester dans cet état là. 

Je ne mange quasiment plus, je dors beaucoup, mes jambes me font souffrir, j'ai des crampes. 

J'ai perdu près de 10kg. Bon, l'avantage, c'est que j'entre à nouveau dans un des manteaux que j'adore. 

Que le temps passe vite lorsqu'on doit retourner en dialyse.

Fin janvier arrive très vite. 

Cette après-midi je reprends la dialyse. Mon mari m'accompagne, on mange ensemble à la cafétéria du CHU.  Ce n'est pas un repas très joyeux. Pour mon mari aussi c'est difficile. 

Fini les libertés de la greffe, fini les Etats-Unis chaque année, fini les longs week-ends spontanés en amoureux, fini les vacances à la va-vite. 

Bonjour les privations, l'organisation et l'aspect chronophage des dialyses. 

A 13h30 je monte à l'étage pour la dialyse. 

Je ne connais pas du tout cette équipe. On me prend en charge dans le service. 

Je suis dans une chambre ou il n'y a pas de patients à côté. 

C'est toujours un petit réconfort. Je pourrais faire le deuil de cette greffe tranquillement dans cette chambre.

Une fois branchée, un des médecins vient me voir. Elle n'est pas très accueillante. 
Elle commence par me gronder car je n'ai pas voulu être piquée à 2 aiguilles car j'avais peur de reprendre les ponctions du côté de l'artère qui était douloureuse avant la greffe. 
Elle me dit puisque c'est comme ça, je ferais 4 heures.

Je crois que pour cette première dialyse lourde de sens, j'aurais aimé un peu plus de compréhension. 

Le temps bizarrement passe assez vite pour cette première dialyse. 

 Une fois terminé, le taxi vient me chercher.

Je vois chaque chose habituelle sous un jour nouveau. 
A chaque chose, je me dis, la dernière fois que je l'ai vu, j'étais greffée. 
C'est un peu une torture psychologique. 
Je ne le fais pas exprès. 
Ca me rend très triste.
Qu'est ce qu'il y a comme choses habituelles. 

Le rythme des 3 dialyses par semaine reprend vite. 

Je suis moins fatiguée. 
Je reprend le ski très vite. On skie à nouveau tous les week-end. 
C'est magique de n'être quasiment plus fatigué. 
Je n'ai quasiment plus mal aux jambes. 
Je re-mange un peu plus et je reprend un peu de poids. 

Le Dr C. m'avait bien dit que ça irait mieux après le retour en dialyse. 

Le médecin avait raison. Mais....


Il n'est bien sûr pas facile d'avoir des certitudes pour les médecins, et on peut comprendre que les médecins puissent avoir des points de vue différents.

Mais si on peut le comprendre en l'analysant, c'est beaucoup plus angoissant de le vivre : on ne peut s'empêcher de se demander quels médecins avaient raison, souvent sans pouvoir être en état d'évaluer les risques associés à ces diagnostics divergents.

J'étais en plus dans un contexte de déménagement forcé, d'un hôpital à l'autre, les pratiques ne sont pas standardisées. Les approches changent et ça ajoute à l'inquiétude car on se demande si on sera aussi bien pris en charge ou si inversement on a bien été pris en charge jusque là. 

Le dialogue avec les patients est entre deux eaux. 


Un silence absolu éviterait cette angoisse aiguë, mais au prix d'une angoisse chronique. 
C'est donc important d'expliquer au patient ce qui l'affecte, mais il faut aller  plus loin pour qu'il puisse se faire une idée et se rassurer.

Il y a clairement un tabou de la fin de greffe. 
Les équipes de soins se sentent en échec lors d'une fin ou d'un retour de greffe. 
Beaucoup fuient. Peu l'affrontent. Peu restent auprès du patient pour l'accompagner. 

Peut-être que pour me rassurer, le corps médical n'a pas voulu prendre en compte mes inquiétudes sur un retour en dialyse, au point de me traiter comme un cas psychiatrique en réveillant en moi de grandes angoisses de ne pas être prise au sérieux. 

Peut-être qu'il aurait été plus judicieux de travailler sur le retour en dialyse avec le psychiatre.

Mon inquiétude était pourtant fondée. 

Envisager le retour en dialyse aurait peut-être permis de diminuer ma fatigue en commençant plus tôt les dialyses... 

Mais surtout, cela m'a causé de "faux espoirs" dans la poursuite de cette greffe. 

Même s'il s'agit du meilleur des traitements, parfois, elle échoue. 

Il faut avoir le courage d'en parler lucidement avec la patient, dans un cadre qui est sécurisant pour lui et l'équipe de greffe. 

Il me semble important que les équipes de greffe soient formées à mieux gérer ce genre d'échec afin que les soignants puissent dépassionner leurs émotions en partageant des temps de parole et ainsi mieux réagir face à ce type de prise en charge compliquées. 





Vous avez aimé l'article ? Merci de le partager.



2 commentaires:

  1. si vous voulez de nouveau déménager, rejoignez moi dans l'Hérault...UAD et personnel génial, soleil, plage et mer...moi qui dialyse depuis 6 ans je suis au paradis, même en dialysant 4 heures x3/semaine...j'ai adoré votre histoire !! merci !

    RépondreSupprimer

L'article vous a interpellé? Laissez un commentaire :)

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...